Des armées qui se battent contre des spectres
Les peuples ignorants ont toujours redouté les esprits malins et les fantômes portés à nuire. Debonnair dit, dans son Histoire de France, que quand les Huns vinrent attaquer Chérebert ou Caribert (521-567), notre huitième roi, ces barbares amenèrent avec eux un renfort redoutable, composé des spectres de leurs ancêtres, contre qui les Français furent obligés de se battre. Une vieille chronique ajoute que ces spectres, dans le combat, prenaient les vivants à la gorge, et les étouffaient. Cependant les Français remportèrent la victoire.
Pendant que Charles-le-Chauve assiégeait Angers, des esprits malins, sous la forme de sauterelles de la grosseur du pouce, assaillirent l'armée française : on ne se débarrassa de ces ennemis d'un nouveau genre que par des exorcismes qui les envoyèrent à la mer (1). Même sous des figures de sauterelles ce sont toujours des esprits malfaisants, contre lesquels il faut procéder par des dispositions extraordinaires.
Thomas Bartholin assure que les anciens Danois se battaient fréquemment avec les spectres, dont leur pays était infesté ; et les écrivains des temps barbares font mille histoires des esprits malins qui tourmentent les gens du Nord.
Les fantômes dont on vient de parler n'apparaissent que pour tourmenter et battre. De plus ils annonçaient la mort ; ou par leur simple apparition, ou par des paroles formelles.
Des spectres qui annoncent la mort
On se rappelle que Brutus, le meurtrier de César, étant sur le point de livrer bataille à Octave, vit entrer dans sa tente au milieu de la nuit, un spectre hideux et de forme monstrueuse, qui lui dit
Je suis ton mauvais démon ;
tu me verras à Philippes.
Cassius vit dans la même bataille un spectre qui portait la figure de César, et qui s'avançait pour le combattre. Brutus et Cassius, épouvantés de ces fantômes, se donnèrent la mort : du moins, des écrivains ont attribué leur mort à ce motif ; la perte de la bataille y fut sans doute aussi pour quelque chose.
Quand Drusus voulut passer l'Elbe pour continuer le cours de ses victoires, un spectre de femme lui apparut, et lui annonça que le terme de sa vie était proche. Drusus, effrayé, alla bientôt mourir au bord du Rhin.
Quelque temps avant la mort de l'empereur Tacite l'ombre de sa mère sortit de son tombeau, si l'on en croit Flavius Vopiscus, et se montra au monarque et à Florin son frère, qui moururent peu après l'un et l'autre (2).
Lorsqu'Alexandre III, roi d'Ecosse, célébrait ses troisièmes noces, on vit entrer, dans la salle où la cour était rassemblée pour le bal, un spectre décharné qui gambada devant le roi. Il mourut peu de temps après.
Camerarius raconte que de son temps on voyait souvent des fantômes sans tête, qui ouvraient de grands yeux, et qui allaient s'asseoir dans les églises sur les chaises des moines et des religieuses qui devaient bientôt mourir….
L’histoire regorge de récits de ce genre et n’a rient à envier à Game Of Thrones avec ses « marcheurs blancs ».
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(1) Histoire de la Magie en France, par M. Jules Garinet, p. 15 et 48.
(2) Tout cela est tiré des Spectres de Leloyer, liv. III, ch. 16.
Crâne d'un guerrier Huns
Source : « Dictionnaire Infernal » par Jacques Albin Simon Collin de Plancy
et « Les Mérovingiens et les Carlovingiens, et la France sous ces deux dynasties » par De Mauléon