La théorie du secret
Si, dans la théorie, le secret est de rigueur, il est souvent une posture : les connaissances sont gardées secrètes par le magicien, mais le magicien a un rôle social, voire politique qui le pousse à rendre visible non pas les secrets du rituel mais sa mise en scène. Sa magie doit être vue ou au moins connue, même si certains aspects doivent rester secrets pour que le « maître du secret » soit le seul à posséder les clefs du monde occulte.
L'opposition entre la science et la magie
Le monde sorcier est un monde nécessairement interlope par rapport à un cadre normé, qu'il soit scientifique ou religieux. C'est naturellement ce caractère apparemment subversif qui rend les sources peu fiables et l'appréhension de ces phénomènes particulièrement opaque.
Ainsi, l'opposition entre science et magie tient à la profonde divergence des ontologies. C'est aussi selon cette divergence que l'on peut analyser l'opposition abondamment relayée entre magie et religion. Cette opposition prend ses racines dans l'histoire latine chrétienne. La distinction entre magie et religion est l'un des plus vieux crédos des sciences des religions. Mais c'est uniquement l'héritage de la civilisation occidentale. La magie serait la fausse monnaie de la religion, une religion transgressive, déformée, manipulée, etc. Les théoriciens recourent à la distinction chaque fois qu'ils espèrent obtenir une définition pure de la « religion pure ». Bien entendu, le problème de la « religion pure » est plus théologique qu'épistémologique. Aucun objet ne peut prétendre à la pureté, qui ne peut être que théorique. Aussi, l'idée que la religion peut « purement » être séparée du politique et du social est une vue de l'esprit.
Mais cette spécificité occidentale n'est pas applicable à l'ensemble des religions et des civilisations : L'Occident, en effet, a créé un ensemble regroupant la théologie, la croyance, le sacerdoce et les cultes, de sorte qu'il faudrait toujours ces quatre éléments, à la fois reliés entre eux et séparés du reste, pour qu'il y ait religion. Mais partout ailleurs, quand on les retrouve, ils sont mêlés au tout social. C'est pour cette raison qu'il existe une difficulté à différencier magie et religion dans de nombreux cas. Ce problème est uniquement inhérent à la démarche européenne : comme nous ne savons pas vraiment distinguer les deux, les deux mots ne sont pas scientifiques mais occidentalocentriques, et ils servent une annexion intellectuelle, dont les racines sont coloniales.