Faut-il enfermer les fous ?

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Les aliénés à la Salpétrière
Les aliénés à la Salpétrière

D'après un texte original de Caroline Veuvac publié dans Ca M'intéresse Été 2011


La folie divise la République.


Voté par l'Assemblée Nationale en mai 2011, le projet de loi sur la psychiatrie a provoqué des débats houleux au Sénat. Au cœur de la polémique : l'obligation de soins à domicile, mesure phare d'une loi qui renforce également les conditions d'internement en institution. Après quarante ans d'efforts pour désenclaver l'hôpital psychiatrique, les opposants au texte fustigent ce tour de vis étatique. « Le projet de loi ne se résume en réalité qu'à une seule chose, le traitement sécuritaire de la psychiatrie », estime ainsi Guy Fischer, vice-président du Sénat. « Je ne veux pas que les hôpitaux psychiatriques deviennent des prisons, mais je ne veux pas non plus qu'il y ait des gens dangereux dans la rue », affirmait Nicolas Sarkozy, dès le lancement du projet fin 2008. Sans doute que lui-même ne s'estime pas être un personnage dangereux.


Entre assistance et répression, c'est l'éternel débat


Sous l'Antiquité, les fous sont libres de leurs mouvements et les troubles physiques et mentaux sont également pris en charge. Dans les temples à vocation médicale, les déments sont soumis à une série de jeûnes et d'ablutions. Le rituel est parachevé par le « sommeil d'incubation » au terme duquel le prêtre recueille les songes du patient pour établir la prescription. Si on peut y déceler un avant-goût des futures théories freudiennes sur l'interprétation des rêves, la folie est alors – et pour longtemps – perçue comme une maladie organique. On évacue le mal par des saignées, on l'engourdit par des bains chauds ou froids... Hippocrate réserve aux troubles mentaux une médication à base de lavements et de décoctions, où se mêlent l'orge, le miel et l'hellébore. Aux traitements physiques s'ajoutent des ébauches de traitements moraux, voyages de santé, musique et théâtre, ou balancement dans des lits suspendus.

Les premières mesures de contraintes voient le jour au début de notre ère. Sous la double influence de la population, incommodée par les manifestations publiques de la démence, et des philosophes stoïciens qui font du fou le responsable de sa folie, on commence à pratiquer les chaînes d'isolement. Au Ier siècle, le médecin romain Celse justifie le recours à la contention et à la violence, au nom du bien du patient : « les terreurs, les craintes subites, en un mot tout ce qui peut troubler considérablement l'esprit, est utile dans (le traitement de) cette maladie. » Des usages condamnés par son confrère Caelius au Ve siècle, qui propose de placer les malades dans un lieu calme. Si la méthode est plus douce, elle rompt avec l'idée du fou vivant librement dans la société, prophétisant l'internement psychiatrique.

Au Moyen Age, on entretient un rapport complexe à la folie


Empreinte de chrétienté, l'époque oscille entre pitié et diabolisation. Les fous sans ressources sont accueillis dans les hôtel-Dieu, qui se multiplient à partir du XIIe siècle pour héberger les indigents. Mais leur imprévisibilité dérange. A l'hôtel-Dieu de Paris, les aliénés les plus démonstratifs se voient aménager des lits coffrés et sont parfois sanglés. L'ancêtre de l'hôpital soulage la rue des miséreux, mais prodigue rarement des soins médicaux. On assiste surtout à la multiplication des pèlerinages thérapeutiques, dont le plus célèbre dédié à Sainte Dymphne.

La charité chrétienne a ses limites


Dans un contexte de surpeuplement des hôtel-Dieu, les incontrôlables sont chassés dans la nature. Quant aux familles, beaucoup se débarrassent des fous auprès d'une abbaye ou les abandonnent sur un tas de paille. Outre la gêne matérielle, les malades mentaux provoquent une répulsion morale, qui trouve son origine dans les Écritures. L'image du fou y est ambivalente, tantôt « faible parmi les faibles », tantôt impie. « L'insensé a dit dans son cœur qu'il n'y a pas de Dieu », affirme l'Ancien Testament. Pour certains esprits du Moyen Age, le fou est un endiablé. Parce qu'il donne corps aux démons inexprimés de chacun. L’Inquisition fait d'ailleurs périr nombre de malades mentaux sur le bûcher.

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La réclusion pour les malades mentaux

La répression de la folie





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