Vandana Shiva est l'une des penseuses les plus dynamiques et provocatrices sur l'environnement, le droit des femmes et les affaires internationales.
Physicienne, écologiste et activiste, elle a reçu le Right Livelihood Award, la version alternative du Prix Nobel de la Paix, en 1993.
Elle dirige la Research Foundation for Science, Technology and Natural Resource Policy et elle est rédactrice associée du magazine The Ecologist.
Voici comment commence son livre,
LA BIO PIRATERIE ou le pillage de la nature et de la connaissance
Le 17 avril 1492, la reine Isabelle et le roi Ferdinand accordent à Christophe Colomb les privilèges de « découverte et conquête ». Un an plus tard, le 4 mai 1493, une « Bulle » du pape Alexandre VI Borgia divise la terre en deux et accorde aux rois catholiques Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon toutes les îles et continents « découverts ou à découvrir, à cent lieues à l'ouest et au sud des Açores en direction de l'Inde », à condition qu'ils ne soient pas occupés ou gouvernés par un roi ou prince chrétien, et ce à partir de Noël 1492. Selon Walter Ullmann dans Medieval Papalism :
En sa qualité de Vicaire de Dieu, le pape était le maître du monde et il en disposait comme d'un outil; le pape, soutenu par les canonistes considérait qu'il pouvait faire ce que bon lui semblait du monde puisqu'il lui appartenait.
C'est ainsi que les chartes et les patentes ont transformé des actes de piraterie en manifestation de la volonté divine. Alors que les peuples et nations colonisés n'appartenaient pas au pape qui en faisait « donation », cette jurisprudence canonique allait permettre aux rois chrétiens d'Europe de diriger toutes les nations, « quelles que soient leur situation géographique et leur confession ». Le principe « d'occupation effective » par des princes chrétiens, la « vacance » des terres visées et le « devoir » d'incorporer les « sauvages » relevaient des chartes et patentes.
La bulle pontificale, la charte de Christophe Colomb et les patentes accordées par les rois européens ont posé les fondements juridiques et moraux de la colonisation et de l'extermination des peuples non-européens. La population amérindienne baissa ainsi de 72 millions en 1492 à moins de 4 millions quelques siècles plus tard.
Cinq cents ans après Colomb, une version plus séculaire du même projet de colonisation se poursuit avec les brevets et les droits de propriété intellectuelle. La bulle pontificale a été remplacée par le traité du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade). Le principe d'occupation effective par les princes chrétiens a été remplacé par l'occupation effective par les sociétés transnationales soutenues par les dirigeants d'aujourd'hui. La vacance des terres visées a été remplacée par la vacance des formes de vie et d'espèces visées manipulées par les nouvelles biotechnologies. Le devoir d'incorporer les sauvages dans le christianisme a été remplacé par le devoir d'incorporer les économies locales et nationales dans le marché global et les systèmes non-occidentaux de connaissance dans le réductionnisme de la science et de la technologie occidentales commercialisées.
La propriété fondée sur la piraterie des biens d'autrui n'a guère évolué depuis cinq cents ans.
La liberté revendiquée par les sociétés transnationales à travers les droits de propriété intellectuelle définis par l'accord du GATT sur les Trips (Trade Related Intellectual Property Rights ou ADPIC en français, Aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce) est la liberté revendiquée par les colonisateurs européens depuis 1492. Colomb a établi un précédent en traitant l'autorisation de conquérir les peuples non-européens comme un droit naturel des Européens. Les titres attribués sur les terres par le pape aux rois et reines d'Europe ont été les premiers brevets. La liberté du colonisateur s'est bâtie sur l'esclavage et la soumission des peuples possédant les droits premiers sur la terre. On a fait passer pour « naturelle » cette prise de contrôle violente en ne dissociant pas les peuples colonisés de la nature, leur retirant ainsi toute humanité et liberté.
Physicienne, écologiste et activiste, elle a reçu le Right Livelihood Award, la version alternative du Prix Nobel de la Paix, en 1993.
Elle dirige la Research Foundation for Science, Technology and Natural Resource Policy et elle est rédactrice associée du magazine The Ecologist.
Voici comment commence son livre,
LA BIO PIRATERIE ou le pillage de la nature et de la connaissance
Le 17 avril 1492, la reine Isabelle et le roi Ferdinand accordent à Christophe Colomb les privilèges de « découverte et conquête ». Un an plus tard, le 4 mai 1493, une « Bulle » du pape Alexandre VI Borgia divise la terre en deux et accorde aux rois catholiques Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon toutes les îles et continents « découverts ou à découvrir, à cent lieues à l'ouest et au sud des Açores en direction de l'Inde », à condition qu'ils ne soient pas occupés ou gouvernés par un roi ou prince chrétien, et ce à partir de Noël 1492. Selon Walter Ullmann dans Medieval Papalism :
En sa qualité de Vicaire de Dieu, le pape était le maître du monde et il en disposait comme d'un outil; le pape, soutenu par les canonistes considérait qu'il pouvait faire ce que bon lui semblait du monde puisqu'il lui appartenait.
C'est ainsi que les chartes et les patentes ont transformé des actes de piraterie en manifestation de la volonté divine. Alors que les peuples et nations colonisés n'appartenaient pas au pape qui en faisait « donation », cette jurisprudence canonique allait permettre aux rois chrétiens d'Europe de diriger toutes les nations, « quelles que soient leur situation géographique et leur confession ». Le principe « d'occupation effective » par des princes chrétiens, la « vacance » des terres visées et le « devoir » d'incorporer les « sauvages » relevaient des chartes et patentes.
La bulle pontificale, la charte de Christophe Colomb et les patentes accordées par les rois européens ont posé les fondements juridiques et moraux de la colonisation et de l'extermination des peuples non-européens. La population amérindienne baissa ainsi de 72 millions en 1492 à moins de 4 millions quelques siècles plus tard.
Cinq cents ans après Colomb, une version plus séculaire du même projet de colonisation se poursuit avec les brevets et les droits de propriété intellectuelle. La bulle pontificale a été remplacée par le traité du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade). Le principe d'occupation effective par les princes chrétiens a été remplacé par l'occupation effective par les sociétés transnationales soutenues par les dirigeants d'aujourd'hui. La vacance des terres visées a été remplacée par la vacance des formes de vie et d'espèces visées manipulées par les nouvelles biotechnologies. Le devoir d'incorporer les sauvages dans le christianisme a été remplacé par le devoir d'incorporer les économies locales et nationales dans le marché global et les systèmes non-occidentaux de connaissance dans le réductionnisme de la science et de la technologie occidentales commercialisées.
La propriété fondée sur la piraterie des biens d'autrui n'a guère évolué depuis cinq cents ans.
La liberté revendiquée par les sociétés transnationales à travers les droits de propriété intellectuelle définis par l'accord du GATT sur les Trips (Trade Related Intellectual Property Rights ou ADPIC en français, Aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce) est la liberté revendiquée par les colonisateurs européens depuis 1492. Colomb a établi un précédent en traitant l'autorisation de conquérir les peuples non-européens comme un droit naturel des Européens. Les titres attribués sur les terres par le pape aux rois et reines d'Europe ont été les premiers brevets. La liberté du colonisateur s'est bâtie sur l'esclavage et la soumission des peuples possédant les droits premiers sur la terre. On a fait passer pour « naturelle » cette prise de contrôle violente en ne dissociant pas les peuples colonisés de la nature, leur retirant ainsi toute humanité et liberté.